Farah "The Mother of the Sea Whisper" [Terminet]

Lenteur suggestive, tempo échaudé, murmures suggestif, l'ambiance du Sea Whisper ne manquait jamais de réchauffer les idées moribondes de ses clients, sans doute plus du tout habitué à entrevoir tant d'exotisme et de déhanchés subtiles depuis la chute de ce monde. Les lieux comme celui-ci n'existait tout simplement plus, ou en tout cas, en de trop rares occasions, un endroit où la mort était absente et l'unique promesse était l'ivresse de l'instant et la chaleur d'un regard ou d'un corps à défaut de la froideur coutumière du moment. Offrir l'illusion du réconfort, le mirage qui pouvait garder une âme en peine vivace à défaut de la contraindre à la nuit et l'abandon. C'était le pari que s'était fixé Farah, la tenancière, la mère des murmures, celle qui savait ou voulait tous savoir, un fond de commerce lucratif et toujours d'actualité. L'information était une arme, une monnaie, une promesse de salut ou un gage de survie, dire le contraire serait une absurdité surtout dans le dangereux jeu de la survie. Les langues pouvaient se délier avec une telle facilité quand l'alcool était servi en bonne compagnie, homme ou femme succombait parfois en vendant leurs propres camarades contre une caresse sensuelle de quelques instants. La « dame en rouge » l'un des nombreux noms donnés à la maîtresse des lieux, chapeautait cet univers semblant hors du temps, loin des contraintes du monde actuel même si au final, toutes les bonnes choses avaient un but.

Le bar, étalages de planches rafistolées et de vieux meubles baroques tantôt flanqué d'un velours rouge criard à peine écorné, tantôt, bois brut et abîmé, alors que les centaines de bouteilles d'alcool entamées trônaient fièrement sur des étagères éclairées par des leds d'un goût douteux. Des tables dépareillées tout comme les chaises ou tabouret servant d'assises, donnant l'impression d'avoir été chinés comme dans une brocante d'un autre temps. Une scène, des barres de pole dance donnant un aspect si particulier au Sea Whisper, un cabaret flottant, au milieu d'une vaste salle dans un navire en ruine. Surplombant la grande salle, un balcon donnant sur l'antre de la mère des secrets, le bureau d'où cette dernière dirigeait sa petite entreprise pour le compte du Commandant et du bien commun. Farah appréciait grandement observer depuis son boudoir, entendre depuis son perchoir, savourer l'agréable vision des corps en mouvement alors que la musique résonnait. Pourtant, aujourd'hui la maîtresse de maison n'était guère encline à se divertir, et elle avait confié la bonne tournure des événements à l'une de ses plus fidèles employées, Olivia.

Le rideau en satin rouge se ferma sur le balcon, plongeant la pièce dans une légère pénombre, là où une myriade de chandelles crépitantes dansèrent entre ombre et lumière. Longue robe rouge près du corps, crinière sombre tombante jusqu'à la naissance de ses reins, Farah, installée sur un fauteuil avait laissé ses jambes longilignes s'appuyer sur son bureau où bon passablement de paperasses s'étaient entassées. La quadragénaire soupira, laissant un fumet grisâtre s'échapper d'entre ses lèvres flamboyante. Les yeux légèrement plissé, le regard perdu sur le plafond entre rouille et papier peint se décollant, un instant de rien, un moment de tout.

Elle se remémorait ce qui l'avait conduit ici, comment elle avait survécu, elle et sa meilleure amie Jaya pour finalement terminer ici, dans cette coque de noix rouillée et grinçante, mais vivantes.

Amusant pour Farah de se dire que c'est tout de même grâce à sa camarade si elle était venue au Canada et que sans cette décision, elle ne serait peut-être plus de ce monde depuis longtemps.

En effet, lorsque sa carrière s'effondra et que les ennuis avec la justice commencèrent, la danseuse hésita pendant un long moment avant de suivre son amie dans la région de Vancouver, mais finalement elle accepta. La presque quadragénaire, à cette époque, plaqua sa vie pour « fuir » son pays afin d'éviter des représailles judiciaires, heureusement pour elle, à cette période l'administration pleuvait sous les dossiers à traiter, et le sien ne fut visiblement pas prioritaire et au final, elle n'a jamais été jugée dangereuse. Cette nouvelle aventure n'allait pas être chose aisée, car un monde bien moins glorieux s'offrait à elle, celui d'une sexualité débridée et diffusée, chose à laquelle elle refusera de participer, en tout cas, comme actrice. Jaya, elle avait su se créer une certaine notoriété et s'entourer des bonnes personnes pour évoluer dans ce milieu et assumait complètement cette vie.

Farah finira derrière une caméra plutôt que devant, même si les productions n'étaient pas d'un niveau professionnel, mais cela avait eu au moins le mérite de lui apprendre certaines choses.

Pourtant, cette vie ne dura pas, l'épidémie se déclara quelques mois après seulement, plongeant l'avenir dans une sombre incertitude. Instinctivement, plusieurs membres de la petite tribu de Jaya (acteurs et actrices) avaient quelques notions de survies, certains venaient de la région et même d'autres bien plus « sauvage », c'est sans doute cela qui avait permis la survie des deux femmes, ça et sans doute l'extraordinaire chance de se retrouver dans un lieu relativement isolé pour les besoins du film qui devaient y être tournés. Malgré les on-dit, le groupe n'eut connaissance de la présence « d'infectés mangeur de chair » que plusieurs jours après le début de la catastrophe bien qu'il n'y fût pas confronté immédiatement. Ce n'était que quand les provisions commencèrent à manquer que certains membres du groupe décidèrent de railler la berge en bateau, mais malgré des heures et des jours d'attentes, seuls des hurlements étouffés par l'épaisse forêt présagèrent qu'ils n'allaient jamais revenir. Lentement, une certaine paranoïa s'installait chez les derniers membres du groupe, alors que le peu de nourritures restantes devait être rationné, sur les neuf personnes présentes au départ, il ne restait plus que Farah, Jaya et deux autres femmes et un homme.

Une violente dispute éclata un jour sur la quantité de nourriture distribuée, et finalement, Jade, l'une des survivantes fut prise d'un accès de folie et se saisissait de l'un des deux fusils de chasses laissé par le premier groupe qui avait tenté de trouver de l'aide et tira les deux cartouches à l'intérieur, elle tua sur le coup Adam et Laura tout en blessant Jaya, mais Farah, instinctivement, la tua à son tour d'un coup de cendrier derrière la nuque. La première fois qu'elle prit la vie de quelqu'un, un sombre souvenir. Après avoir jeté les corps dans le fleuve fraser, soigné comme elle le pouvait la blessure superficielle de son amie, l'ancienne danseuse emporta tout ce qui pouvait être utile, pour survivre et se défendre. Armée d'un vieux fusil de chasse avec deux cartouches, d'une hache et d'un couteau ainsi que quelques denrées alimentaires qui n'avaient pas encore périmé, voilà les deux femmes manquant de se noyer devant la force du courant qui les entraina sur plus deux kilomètres en amont avant qu'elle ne puisse gagner la rive. Agassiz était la bourgade la plus proche alors un long trajet commença, la peur au ventre, les morts rôdaient çà et là, violence et fuite comme seules réponses.

Les deux femmes parvenaient malgré tout à survivre, mais elles comprirent assez rapidement qu'elles ne pourraient pas le faire indifféremment, et c'est quelques semaines plus tard que le duo tomba sur un groupe, ce n'étaient guère des enfants de cœur, mais Farah et Jaya réussirent à démontrer qu'elles pouvaient être utiles. C'est à ce moment sans doute que le talent inné de la danseuse pour l'interprétation, la manipulation et la séduction entrait en jeu, car plus le temps passait, plus leur présence était remise en question par la vingtaine de membres, certains pour d'autres contre. Au lieu de prouver la légitimité et l'importance que toutes deux pouvaient représenter, ne se voilant guère la face sur la question, l'américaine préféra planter les graines de la discorde parmi les leaders de ce groupe. Des yeux postés aux bons endroits, une oreille attentive sur les conversations et les jalousies, quelques propos modifiés pour noircir le tableau et voilà que les tensions ne se focalisaient plus sur les deux femmes qui bien évidement, prenaient parti pour le groupe naissant le plus fort.

Après avoir survécu de nombreux mois avec cette petite communauté en proie à de nombreux conflits interne, Farah et Jaya décidèrent de quitter le groupe pour tenter leur chance plus au sud-ouest, se doutant que la situation était plus qu'explosive. Elles ne se doutèrent par que quelques jours plus tard, le groupe déjà fracturé fut anéanti par un important groupe d'ancien militaire qui semblait venir du nord-est, de Kelowna plus exactement, par chance ils ne continuèrent pas leur route.

C'est après un long chemin semé d'embûches et dans un froid glaciale que le duo improbable se rapprochait de Vancouver, le 29 septembre 2018, et là, tapis dans la végétation blanchis par l'épais manteau neigeux, les deux femmes surprirent un groupe qui semblait échafauder un plan pour s'attaquer à une communauté qui semblait s'être installée dans le port de la ville. C'est ainsi qu'elles eurent connaissance de The Empress, et qu'il s'agissait de mutins bien décidé à se venger. Ils avaient des armes, un campement, et ils semblaient aussi avoir des réserves. Que faire ? Parlementer avec eux et tenter d'appuyer leurs décisions pour éventuellement gagner une place tout en sachant qu'elles n'allaient pas pouvoir survire encore bien longtemps avec le peu de provisions en leur possession ? Non trop risqué, autant jouer les délatrices auprès des agressés, cela aura sans plus d'impact.

Avec cette décision, Farah et Jaya réussirent toutes deux à atteindre le port quelques jours plus tard au vu de la concentration d'infectés dans les rues de la ville, espérant ne pas arriver trop tard pour pouvoir agiter la carotte de l'intégration. Arrivant peu avant la nuit, Farah usait de toute son éloquence pour prévenir les responsables de la communauté, acte intéressé évidemment.

L'attaque eut bien lieu quelques heures après, mais les bannis furent défaits et condamnés.

Le commandant apprécia que le duo porta ce message à son intention, mais pour s'assurer définitivement une place, Farah sorti un joker de sa manche, l'emplacement du camp des bannis, sans doute disposant encore de quelques ressources.

C'est ainsi que Farah, en compagnie de sa camarade de toujours Jaya faisaient leur entrée sur le navire, et avec l'aval du commandant, actaient la création du Sea Whisper, lieu de détente et de secrets très utile pour une communauté marchande.