Smile and sheep

26.08.23 17:39

Il est encore tôt lorsque Zahra quitte le réfectoire, après avoir avalé quelques fruits secs en guise de petit-déjeuner. Elle sait qu'aujourd'hui, sa journée sera différente et qu'elle ne fera pas de jardinage. On lui a fait comprendre la veille qu'elle allait s'occuper des animaux, et l'ado se sentait un peu excitée à cette perspective.
Les seuls animaux que Zay avait vu passer dans son ancien groupe étaient les poissons pêchés et parfois, un peu de sanglier quand les chasseurs avaient de la chance. L'idée de pouvoir approcher des animaux vivants qui n'étaient pas destinés à finir immédiatement dans une marmite lui paraissait plaisant, et elle avait hâte de pouvoir s'y mettre.

C'est donc d'une démarche sautillante, dansant sur une musique imaginaire, que Zahra suivit l'adulte qui l'amenait dans la zone où se trouvaient les animaux. La muette avait commencé à poser des questions la veille, quand on lui avait indiqué son travail du lendemain, mais la personne lui avait fait comprendre qu'elle ne serait pas seule. Rassurée à cette idée, Zay s'était contentée de sourire et de remettre ses questions à plus tard.
Arrivée sur place, la jeune fille ouvre de grands yeux fascinés pour observer les moutons qui s'étalent sous ses yeux, délaissant les autres personnes présentes. L'adulte, après quelques mots échangés avec une jeune fille blonde, s'éloigne rapidement sans saluer la sourde qui n'en prends pas ombrage.

Il faut quelques petites minutes à Zahra pour détacher les yeux du troupeau et de poser son regard sur sa binôme du jour. Elle la salue d'un grand sourire et d'un geste de la main, avant de s'approcher pour se présenter grâce à son carnet. Elle fouille parmi les pages jusqu'à trouver celle de sa présentation, et la lui montre, toujours en souriant. Un simple 'Bonjour, je m'appelle Zahra' y est griffonné, et la jeune fille le récupère rapidement pour aller chercher une page libre et y écrire ses questions. 'Comment on s'occupe des moutons ? Dis-moi quoi faire. Je peux les caresser ?'
Zay écrit vite et pas toujours très bien, mais elle peine à dissimuler son excitation et il lui faut un moment pour prendre conscience de son impolitesse. Dans une grimace contrite, elle se force au calme et griffonne à nouveau 'Pardon, je vais trop vite. Je me rappelle t'avoir vu à l'infirmerie, tu m'as apporté un repas quand j'y étais. Tu t'appelles comment ?'

L'adolescente contient son envie de retourner aux moutons et garde les yeux résolument posés sur le visage de la jeune blonde. Zahra n'était restée que très peu de temps à l'infirmerie, juste le temps pour les adultes de vérifier qu'elle n'était ni malade ni blessée, en dehors d'un besoin de manger un vrai repas et surtout, de boire en quantité suffisante. D'ailleurs en y repensant, la femme blonde qui s'était occupée d'elle là-bas ressemblait étrangement à la jeune femme qui lui fait face à l'instant.
L'ado récupère son carnet et écrit à nouveau 'C'est ta mère, à l'infirmerie ? Je n'ai pas l'habitude de m'occuper des animaux, mais je suis là pour t'aider, tu veux bien ?'

Sans prendre conscience qu'elle passe du coq à l'âne, Zahra essaie de se montrer claire et pragmatique, espérant sincèrement que sa binôme ne refuserait pas son aide. Après tout, si quelqu'un ici se montrait mécontent d'elle, Zay risquait de devoir partir et elle n'en avait pas envie. Elle retient donc sa respiration tout en attendant une réaction de sa compagne du jour.

02.09.23 12:06

Smile and sheep

Ft. Zahra

Un baiser sur la joue de maman, comme une empreinte de sa tendresse d’autrefois. Elle sourit, la petite blonde, mais il n’en a pas toujours été le cas. Il était une époque où les larmes gisaient sur ses pommettes, inaltérables. Inarrêtables… Elle se souvient de cette année, où enfin elle a été libérée de sa prison rouge. Une année de détresse, de crainte et de désespoir. Une année à se murer dans le silence, incapable du moindre mot. Incapable de faire face au monde qu’elle ne connaissait plus. A toutes ces personnes qui l’observaient, petite chose malade que l’on a sauvé des griffes du mal. Était-ce vraiment le cas… Le mal s’était-il écarté de son âme ? L’avait-il relâché de ses terribles crocs acérés… Autumn ne le croyait pas. Autumn le savait, qu’elle était maudite. Un démon la suivait… envoyé du diable, venu pour la récupérer. Elle le savait et la terreur de l’enfer coinçait les mots dans sa gorge, lui arrachait un hurlement alors que l’on s’approchait d’elle. Petit démon du Temple d’Ezekiel… Aujourd’hui, tout a changé. Plus de Temple, plus de prières. Plus que son âme déchiquetée à reconstruire. Elle parle, aujourd’hui, après cette année douloureuse de silence. Elle prend la main de sa mère, aujourd’hui. Après la peur de se confronter à elle. Le petit bourgeon frêle et fragile a éclos, pour laisser la fleur s’ouvrir. Autumn n’est plus cette gamine terrifiée, elle n’a plus peur de ce contact d’autrefois qui la terrifiait. Alors elle dépose un baiser sur la joue de sa mère, à chaque fois qu’elle doit sortir de leur nouvelle maison. Elle lui sourit et lui glisse quelques mots.

- À plus tard !

Parce qu’elle sait que cette fois-ci, elle reviendra. Elle trottine, la jeune adulte, son sac en bandoulière flottant sur sa hanche. Elle trottine, jusqu’à son lieu de travail. L’enclos des moutons. Elle trottine et sourit, parce qu’aujourd’hui, il fait beau. Sous le soleil, la laine brillera, les feuilles des arbres seront d’un vert foudroyant. Un dessin. Une fois sa mission accomplie, une fois qu’elle n’aura plus qu’à s’assoir et à surveiller les animaux, elle fera un dessin. Et c’est pour cette raison qu’elle sourit, le vent dans ses boucles de blé emmêlées. Que dirait maman… elle sortirait la brosse à cheveux pour lui remettre ses mèches rebelles en place. Mais maman doit travailler à l’infirmerie, aujourd’hui. Elle trottine, Autumn, et arrive enfin sur place. Elle s’empresse d’ouvrir l’étable, pour laisser les moutons sortir dans le pré. Les bêlements assourdissants, le bruit de leurs sabots, Autumn se cache, le temps qu’ils se pressent de sortir. Pour ne pas se recevoir un coup malencontreux. La petite canadienne sourit, dépose son sac sur un crochet en hauteur avant de se retrousser les manches.

- Au travail.

Elle s’empare d’une pelle, d’une brouette, entre dans l’étable. La brouette au centre, elle prend la pelle et commence à ramasser les crottes. Première mission de la journée, nettoyer l’étable. Remettre du foin frais, de l’eau fraîche. Mais avant tout… les crottes. Elle remplit une première brouette, dépose la pelle. Elle relâche un humpf lorsqu’elle soulève la brouette et l’emmène devant… pour tomber nez à nez avec deux silhouettes. Elle s’arrête nette, repose la brouette. Une petite fille et un monsieur, dont elle avait oublié le nom. La fille n’a très vite d’yeux que pour les bêtes.

- Bonjour Autumn, tu te souviens qu’aujourd’hui tu devais travailler en binôme avec Zahra ?

Mince… elle avait oublié, certaine d’être seule. Heureuse d’être seule… Un frisson parcourt son dos alors que le regard de l’homme retombe. Vite, elle redescend ses manches, les tire jusqu’aux poignets, pour cacher les cicatrices. Elle rougit, marmonne.

- Oui, merci, je, je n’avais pas oublié. Merci !

Il hausse des épaules, se détourne et s’en va. L’attention de Autumn se détourne alors sur la fille, qu’elle a pu croiser plusieurs fois, notamment à l’infirmerie. Elle est sourde et muette, elle s’en souvient. La blonde reste là, à l’observer, alors qu’elle est plantée en admiration devant les moutons avant de se retourner et de venir à elle. Autumn lui sourit, gentiment, lui fait un signe timide de la main. La fille sort son carnet et tourne les pages avant de le lui tendre. Elle lit, Autumn, mais n’a le temps de rien dire ni rien faire, que la fille reprend son carnet et griffonne dedans. Elle le montre, le reprend aussi vite pour griffonner encore. Une fois, deux fois. Avant de se calmer et d’attendre. Le sourire d’Autumn s’était accentué, amusée de l’empressement de la fille, qui devait être rien qu’un peu plus jeune qu’elle.

- Salut, moi je m’appelle Autumn.

Elle articule bien, parle lentement. Sa maman lui avait dit qu’il fallait faire attention, pour qu’elle puisse avoir le temps de comprendre et de lire sur les lèvres.

- Au moins t’es motivée, c’est cool !

Elle sourit, amusée.

- Oui, c’est ma maman à l’infirmerie, je me rappelle de toi aussi. J’espère que tu vas mieux !

Au moins, aujourd’hui elle aura une compagnie moins triste que celle de ce Noah, toujours le visage sombre et renfrogné. Il a un air bougon qui met Autumn un peu mal à l’aise…

- Je veux bien que tu m’aides ! Il faut commencer par nettoyer l’étable, tu verras c’est facile ! Mais avant, je vais vite vider ce que j’ai ramasser. Vas déjà dans l’étable, j’arrive !

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